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RDC : Nouveau gouvernement avant l’accord final de Doha : quand Fatshi joue la carte « À malin, malin et demi »
◇ L’annonce inattendue d’un nouvel exécutif
Dans le contexte des négociations de #Doha, l’opinion congolaise ne s’attendait pas à un réaménagement technique du gouvernement Suminwa, encore moins à la formation d’une nouvelle équipe, avant un accord final entre le pouvoir de #Tshisekedi et l’#M23. Pour beaucoup, ce processus devrait conduire à un dialogue global et inclusif devant déboucher sur un gouvernement de large union nationale.
Pourtant, contre toute attente, le chef de l’État a annoncé un nouveau gouvernement. Une décision qui bouscule les attentes et révèle une stratégie offensive du pouvoir. La décision est jugée précipitée et intempestive par l'opposition non armée, qui compte sur une influence extérieure pour peser dans les discussions. Elle en sort particulièrement affaiblie.
◇ Questions clés :
- Pourquoi Félix Tshisekedi forme-t-il un gouvernement avant l’accord de Doha ?
- Ce nouvel exécutif ne risque-t-il pas d’être éphémère, pour être remplacé par une équipe issue des pourparlers ?
La réponse se trouve dans une stratégie visant à asphyxier l’opposition, tant militaire que politique.
◇ Stratégie « À malin, malin et demi » : Kinshasa prend les devants
Lors de l’ouverture du procès contre Joseph Kabila, le 25 juillet dernier, le M23/AFC avait réagi implicitement, avertissant :
« L’autorité de l’État à rétablir dans les zones conquises ne sera pas celle du régime Tshisekedi. »
En réponse à cela, Kinshasa a activé une manœuvre subtile, visant à intégrer des figures de l’opposition non armée telles que Martin Fayulu et Adolphe Muzito au gouvernement.
Trois objectifs sont visés à travers cette stratégie :
- Contrer les revendications du M23/AFC à Doha, et rendre caduque toute demande d’ouverture politique par la rébellion, en démontrant qu’elle est déjà actée.
- Opposer le M23/AFC aux ex-opposants désormais au pouvoir. Fayulu et Muzito pourraient ainsi être positionnés comme porte-voix républicains pour défendre Kinshasa lors des négociations, en sapant les arguments des rebelles.
- Préparer l’option militaire en cas d’échec à Doha. Si les pourparlers achoppent, le gouvernement pourrait compter sur ces nouveaux alliés pour mobiliser l’opinion contre le « proxy rwandais ».
◇ Fayulu I ou Suminwa II ? Les indices à suivre
Difficile de prédire si le nouvel exécutif sera un simple remaniement ou une refonte complète avec un Premier ministre issu de l’opposition. Deux scénarios se dessinent :
- Réaménagement technique : maintien de Suminwa, avec l’arrivée de Fayulu et Muzito.
- Nouvelle équipe : Fayulu en tête, ou une surprise avec Muzito.
Indice décisif : la démission éventuelle de Judith Suminwa. Si elle quitte ses fonctions, cela signalerait l’arrivée d’un nouveau chef de gouvernement. Fayulu est favori, mais sa radicalité pourrait favoriser Muzito, plus ouvert à une loyauté tactique envers le président.
◇ Un coup dur pour l’opposition non armée
Cette annonce sonne comme une défaite pour l’opposition non armée, qui espérait tirer parti des négociations de Doha. Elle révèle aussi la mainmise de Tshisekedi, qui semble imposer son tempo sur le processus, soutenu en coulisse par ses alliés américains.
◇ Conséquence : une opposition marginalisée
Les opposants n’ayant pas rejoint les consultations républicaines d’Eberande Kolongele, ou le Camp de la Patrie de Martin Fayulu, se retrouvent marginalisés. Sans levier d’influence, leur capacité de nuisance s’amenuise.
◇ Le piège du « poids politique » : priorité aux résultats
Alors que les ministres en poste se battent pour leur survie politique, et que les nouveaux venus convoitent des portefeuilles, le vrai défi revient à Tshisekedi : choisir des compétences probres, loin des calculs partisans.
C’est le moment pour le chef de l’État de procéder à un casting stratégique, fait de compétence et de probité, sans céder à la pression des poids politiques ou des clans. S’il cède aux pressions ou aux beaux discours, le président portera seul la responsabilité d’un échec.
Ambroise Mamba Ntambwe
Journaliste et chercheur en sciences politiques
Glossaire
- Doha : Capitale du Qatar, lieu des pourparlers entre le gouvernement congolais et les mouvements rebelles.
- Tshisekedi : Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, président de la République démocratique du Congo.
- M23 : Mouvement du 23 mars, rébellion armée active dans l’Est de la RDC.
- AFC : Alliance Fleuve Congo, mouvement allié du M23.
- Judith Suminwa : Première ministre de la RDC nommée en 2024.
- Martin Fayulu : Opposant politique congolais, candidat malheureux à la présidentielle de 2018.
- Adolphe Muzito : Ancien Premier ministre, figure politique de l’opposition.
- Eberande Kolongele : Haut fonctionnaire congolais, proche du président.
- Joseph Kabila : Ancien président de la RDC (2001-2019).
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