Le Pan-Africanisme d'Obenga : L'Urgence d'une Fédération Africaine et la Rupture avec l'Occident

🧭 Introduction

Dans ce septième article de notre série « Théophile Obenga, Architecte de la Renaissance Africaine », nous abordons l’un des volets les plus politiques de son engagement : le pan-africanisme. Héritier de Cheikh Anta Diop, Obenga ne se contente pas de penser l’Afrique — il l’appelle à s’unir, à se fédérer, et surtout à rompre avec les mécanismes de domination occidentale. Son discours, à la fois clair et radical, conjugue rigueur intellectuelle et appel à l’action politique, même lorsqu’il se heurte aux contradictions et aux réalités du terrain.

📝 Texte original

Le Pan-Africanisme d'Obenga : L'Urgence d'une Fédération Africaine et la Rupture avec l'Occident

Le Professeur Théophile Obenga n'est pas seulement un érudit ; il est un ardent défenseur politique du Pan-Africanisme. Considéré comme l'héritier intellectuel direct et le "disciple" de Cheikh Anta Diop, il a inlassablement poursuivi la vision d'une Afrique unie, souveraine et maîtresse de son destin. Son engagement est un appel pressant à l'action, fondé sur une analyse sans concession des défis du continent.  

La Fédération Africaine : La Seule Voie de Salut

Pour Obenga, la Fédération Africaine n'est pas une utopie lointaine, mais une "urgence cruciale" et la "seule voie de salut" pour le continent. Il déplore le temps perdu et avertit que sans un État fédéral, l'Afrique restera "asservie". Il cite l'exemple de la Chine, qui a acquis force et respect en croyant en sa propre dynamique, exhortant l'Afrique à suivre cette voie pour devenir "aussi forte et respectée".  

Il appelle l'Union Africaine à agir concrètement en créant une commission de juristes, sociologues et historiens pour élaborer un projet d'État fédéral africain, insistant sur l'urgence de cette démarche. Pour lui, la cause du panafricanisme ne peut triompher qu'en élargissant son champ d'action et en mobilisant davantage de personnes.  

Se Libérer du "Lien Omblical avec l'Occident"

Obenga critique fermement l'influence et la dépendance occidentales, affirmant que l'Afrique doit "se libérer de son lien ombilical avec l'Occident". Il soutient que les nations occidentales ne développeront jamais les pays africains car ce n'est pas dans leur intérêt. Il juge "inacceptable" que l'Union Africaine soit financée par son homologue européen, rappelant que Kwame Nkrumah n'aurait jamais accepté une telle situation. Cette dépendance financière, selon lui, constitue une "structure contre l'Afrique" qui entrave le développement authentique et la liberté d'expression.  

Il souligne que l'Occident a atteint son niveau de développement actuel en pillant les ressources africaines et en bénéficiant du travail gratuit des populations noires. Pour Obenga, il n'y a "aucun crime à vouloir se libérer".  

Les Défis Internes et l'Auto-Affirmation

Obenga insiste sur l'autonomie africaine et les défis internes, affirmant que "personne ne développera les pays africains à leur place" et que les Africains doivent surmonter leurs peurs et avancer. Il déplore que "ce sont souvent les Africains eux-mêmes qui trahissent l'Afrique", mettant en évidence les obstacles internes à l'unité et au progrès. Il appelle à un changement radical de logique, à l'affirmation d'un "nouveau visage africain" et à l'auto-affirmation.  

La Complexité de l'Engagement Politique

La trajectoire d'Obenga révèle une tension entre son idéal pan-africaniste et les réalités politiques. Son plaidoyer pour une fédération africaine indépendante et autonome contraste avec son soutien public et l'acceptation d'honneurs du Président Sassou-Nguesso, un dirigeant dont la longue tenure et la gouvernance ont suscité des critiques, y compris dans certains cercles pan-africanistes. Des commentaires l'accusent de "trahison" et de s'être "rallié à la mangeoire sassouïste".  

Cette situation met en évidence le défi profond de traduire les idéaux pan-africanistes en actions politiques concrètes. S'engager avec des structures étatiques existantes, parfois controversées, compromet-il les principes pan-africanistes, ou est-ce une étape pragmatique nécessaire pour opérer un changement de l'intérieur ? Cette tension est un aspect critique du pan-africanisme contemporain et de l'héritage d'Obenga, invitant à une discussion plus approfondie sur les compromis et les complexités auxquels sont confrontés les intellectuels engagés politiquement.

Malgré ces complexités, l'influence durable de Cheikh Anta Diop sur Obenga est manifeste. De nombreux éléments le désignent explicitement comme le "disciple" de Diop ou comme poursuivant son "paradigme de recherche". Le travail linguistique d'Obenga s'appuie directement sur les théories de Diop. Cela signifie qu'Obenga n'est pas seulement un universitaire, mais un porteur de flambeau pour une tradition intellectuelle spécifique au sein du pan-africanisme, assurant la continuité et l'évolution des idées fondamentales de Diop.

🎯 Conclusion

Théophile Obenga incarne la fusion rare entre l’intellectuel et le militant. Son appel à une fédération africaine indépendante, son rejet de la dépendance occidentale et son exigence d’auto-détermination résonnent avec une urgence brûlante. Pourtant, son parcours, traversé de contradictions politiques, rappelle aussi que la mise en œuvre de ces idéaux est semée de dilemmes. Le pan-africanisme, pour rester vivant, doit affronter ces tensions avec lucidité, sans renoncer à ses exigences éthiques et stratégiques. Obenga, en disciple fidèle de Diop, maintient la flamme allumée.

📘 Glossaire

• Pan-Africanisme : Mouvement visant à l’unité politique, économique et culturelle des peuples africains et de la diaspora.
• Fédération Africaine : Projet d’un État unifié regroupant les pays d’Afrique, promu notamment par Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga.
• Lien ombilical : Métaphore désignant une dépendance profonde et néfaste, notamment ici envers l’Occident.
• Auto-affirmation : Fait de s’imposer en tant que sujet autonome, porteur de sa propre vision du monde.
• Kwame Nkrumah : Premier président du Ghana indépendant et figure majeure du panafricanisme.
• Président Sassou-Nguesso : Homme politique congolais au pouvoir depuis plusieurs décennies, souvent critiqué pour son autoritarisme.