Le Double Chemin : Théophile Obenga entre Chaire Universitaire et Cabinet Ministériel

Série d’Articles : Théophile Obenga, Architecte de la Renaissance Africaine

Ce troisième article poursuit notre série dédiée à la vie et à l’œuvre du Professeur Théophile Obenga. Il met en lumière sa trajectoire exceptionnelle entre université et gouvernement, et examine comment son engagement intellectuel s’est incarné autant dans les salles de cours que dans les sphères du pouvoir politique.

Une initiative portée avec conviction par IKODI IT & DESIGN SOLUTIONS et Patrice Piardon, dans un effort constant de valorisation des figures majeures du panafricanisme contemporain.

Le parcours professionnel du Professeur Théophile Obenga est une illustration éloquente de son engagement total, naviguant avec une détermination inébranlable entre les sphères académiques les plus exigeantes et les arènes politiques, parfois tumultueuses, de son continent. Cette dualité a façonné une carrière où la recherche de la vérité historique et linguistique s'est toujours mêlée à la volonté d'agir concrètement pour l'Afrique.

Une Carrière Académique de Renommée Internationale

Après avoir acquis une formation multidisciplinaire solide, Théophile Obenga a occupé des positions académiques influentes qui ont contribué à façonner le discours intellectuel africain contemporain. Il a été Professeur Émérite au Centre d'Études Africaines de l'Université d'État de San Francisco, où il a pris sa retraite en 2009. Avant cela, il a dirigé le département d'études noires de cette même université pendant près de dix ans, avant de quitter ce poste pour retourner au Congo.  

Son influence s'est également étendue à travers des affiliations prestigieuses. Il est membre de la Société Française d'Égyptologie et de la Société Africaine de Culture (Présence Africaine). En 1992, il a fondé et est devenu le Directeur et Rédacteur en chef de la revue Ankh, une publication dédiée à l'égyptologie, aux sciences exactes et aux civilisations africaines, s'inscrivant directement dans le paradigme de recherche initié par son mentor, Cheikh Anta Diop.

De 1985 à 1991, il a occupé le poste de Directeur Général du Centre International des Civilisations Bantu (CICIBA) à Libreville, au Gabon. Cette institution, une initiative pan-africaine regroupant onze pays africains lusophones, francophones et anglophones, était une unité de recherche pluridisciplinaire sur les civilisations de langues bantoues. C'est au sein du CICIBA qu'il a notamment créé la revue Muntu.  

Un moment clé de sa carrière fut sa participation, aux côtés de Cheikh Anta Diop, en tant que représentant de l'Afrique au symposium de l'UNESCO au Caire (du 28 janvier au 3 février 1974) sur "Le peuplement de l'Égypte ancienne et le déchiffrement de l'écriture méroïtique". Ce symposium a validé de nombreuses thèses fondamentales de Diop concernant les origines africaines de l'Égypte ancienne. Il a également contribué à la rédaction de l'Histoire Générale de l'Afrique (Volumes I et II) et de l'Histoire Scientifique et Culturelle de l'Humanité (Volume II) de l'UNESCO.

L'Engagement Politique : Une Volonté d'Action

Le parcours d'Obenga se caractérise par une interaction constante entre l'érudition académique et l'activisme politique. Ses rôles en tant que Ministre de la Culture du Congo (1993-1994) sous la présidence de Pascal Lissouba , son soutien public au Président Denis Sassou-Nguesso en 2009 , et sa récente nomination en décembre 2020 comme    

Président du comité de direction de l'Université Denis Sassou-Nguesso à Kintélé, Brazzaville , illustrent cette dualité.

Pour Obenga, le travail intellectuel n'était pas dissociable de la lutte pour la libération et le développement de l'Afrique. Ses fonctions politiques peuvent être interprétées comme des tentatives de traduire ses idéaux pan-africanistes en actions gouvernementales. Il est à noter que durant son mandat ministériel, il a perdu une partie significative de son travail (une grammaire de la langue égyptienne) dans un incendie lié au conflit civil, soulignant l'impact direct de l'instabilité politique sur sa production scientifique.  

L'évolution de sa relation avec l'État congolais et ses dirigeants offre une perspective nuancée. Après avoir servi sous Lissouba, son soutien public à Sassou-Nguesso et l'acceptation de distinctions importantes de son gouvernement ont suscité des critiques. Certains l'ont qualifié de "sassouïste" et l'ont accusé de "trahison" pour s'être rapproché du pouvoir, remettant en question ses principes pan-africanistes. Cette situation met en lumière la complexité de l'engagement politique pour un intellectuel. Elle soulève des interrogations sur les compromis ou les alliances stratégiques que des figures éminentes peuvent être amenées à faire pour exercer une influence ou assurer une certaine stabilité, et sur la manière dont ces actions sont perçues au sein du mouvement pan-africaniste. Cela révèle une tension inhérente entre la pureté idéologique et le pragmatisme politique dans le contexte africain.   

Le Professeur Théophile Obenga incarne ainsi une figure dont l'influence s'est exercée tant dans les salles de cours et les centres de recherche que dans les couloirs du pouvoir, toujours avec l'objectif de servir la cause de l'Afrique.


Ce texte fait partie de la série « Théophile Obenga, Architecte de la Renaissance Africaine », conçue par IKODI IT & DESIGN SOLUTIONS et Patrice Piardon pour mettre en lumière la pensée panafricaniste et la contribution d’intellectuels africains à la redéfinition de l’histoire et de la culture du continent.

Rendez-vous prochainement pour la suite de cette série disponible sur notre site. Engagez-vous avec nous dans ce voyage au cœur de la Renaissance africaine.

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